NAPOLEON  SCRUGLI

Ancien ministre de la Marine à Naples

Extraits de l'Histoire des Hommes d'état du XIXe.


Napoléon Scrugli est né, à la fin de 1803, à Tropea, ville maritime qui est sur le versant occidental des Calabres, à six milles nord-est du cap Vaticano.
La puissance napoléonienne grandissait prodigieusement en Italie à la meme époque. -L'oncle paternel de Scrugli, qui était curé et qui se distinguait d'ailleurs dans l'Académie scientifique et littéraire, de l'école de laquelle sortit le célèbre philosophe Galluppi, voyant que l'on avait fait croire à la plèbe, toujours ignorante, que Napoléon-le-Grand était d'une grande laideur, voulut en profiter pour justifier, aux du public, le nom de Napoléon qu'il imposait à son neveu, qui naquit très-laid; il le fit sans donte pour cacher ses tendances libérales. Ce meme oncle répondit à ceux qui lui firent remarquer la laideur du nouveau-né: <<Qu'importe! c'est un garcon; -qui sait s'il ne sera pas un jour utile à son pays!>>.
Lorsqu'on se disposait, en 1810, par ordre de l'empereur, à envahir la Sicile, le roi Murat, s'arretant trois jours à Tropea, y fut recu et hébergé par M. Scrugli père, maire de la ville. Reconnaissant du brillant accueil recu, le roi concéda au jeune Scrugli une borse au Collége de marine de Naples, où celui-ci fut recu en 1811, agé de sept ans.

Tel fut le commencement de la longue et laborieuse carrière de Napoléon Scrugli, qu'il parcourut toujours dominé par la pensée de contribuer un jour à réaliser l'espérance de sa patrie, idée contrariée, proscrite, punie sous le régime bourbonnien. Il comprit que le maintien du despotisme dépendait de l'abrutissement, de la dépravation et de la corruption des moeurs, et, par conséquent, il fit ce qu'il put pour instruire, corriger et moraliser ceux qui dépendaient de lui, afin d'en relever les esprits. -L'état officiel de ses services prouve sa longue carrière, et fournit les moyens de comprendre ses travaux et les dangers auxquels il a été exposé ayant vécu longtemps sur mer.
Lors des derniers événements politiques dans les provinces méridionales de l'Italie, les officiers de la marine furent invités à preter serment à la costitution que mettait en vigueur FRANCOIS II. Scrugli, qui n'avait point preté d'autre serment, depuis celui qu'il fit à la constitution de 1848, protesta, ainsi que ses camarades, contre la teneur inconstitutionnelle de celui que l'on requérait. L'amiral Prince LOUISE DE BOURBON parut consentir ò satisfaire ses officiers. Mais il fut permis aux commandants, en tout honneur et légalement, de se refuser à accompagner le roi sa fuite à Gaete, malgré les ordres de Sa Majesté. La réponse que le roi fit à ceux qui lui objectaient l'inconstitutionnalité de ces memes ordres est remarquable. Sa fuite s'effectua sans laisser de gouvernement, et délia de fait ses sujets de tout devoir envers celui qui les laissait exposés à tous les dangers de la force brutale.
GARIBALDI, arrivé presque seul à Naples le jour suivant, y fut acclamé avec un enthousiasme fabuleux. Les forts de la ville étaient toutefois encore occupés par les soldats bourbonniens, et l'instruction laissée de tirer sur la ville n'avait point été retirée; l'ordre en devait partir du palais royal par un signal convenu. SCRUGLI n'était alors qu'un simple citoyen; cependant il connaissait l'existence de ces instructions, et il fit insinuer que l'on prit les mesures nécessaires pour en empecher l'accomplissement; mais les délire universel absorbait toutes les attentions. Il se rendit done, à trois heures de l'auprès-midi, auprès de GARIBALDI, pour lui exposer qu'il était nécessaire de faire sans délai changer les drapeaux sur les forts ainsi que sur les navires de guerre, et, séance tenante, pendant le diner de GARIBALDI, il rédigea et écrivit les ordres nécessaires à cet effet, entre autres l'ordre de saluer le drapeau italien par vingt et un coups de canon, ordre que GARIBALDI signa sans interrompre son diner, et que Scrugli expédia immédiatement.
C'est ainsi que furent restituées à la nation les memes forces qui, le jour avant, servaient à l'opprimer. Cette circonstance, restée inobservée, préserva peut-etre la ville d'incidents déplorables; le fort de Saint-Elme, qui domine Naples, fut bientot désarmé et dépourvu de ses munitions de guerre qui l'encombraient.
Le lendemain de son arrivée à Naples, Garibaldi forma son ministère et appela Scrugli à la direction de la marine, sans que celui-ci eut été consulté, car il n'avait pas de hautes prétentions. Mais il sembla à Scrugli qu'il devait craindre l'accusation de faiblesse, s'il n'acceptait pas cette charge dans des moments aussi difficiles, et qu'il devait tout sacrifier au bien de son pays. En effet, lorsque les manoeuvres bourbonniennes se développaient avec énergie dans le but de regagner la marine complétement perdue, il fallait la plus forte volonté et une vigueur d'action pour neutraliser toutes ces tentatives, dont la dernière, celle du désespoir, était de détruire la flotte par l'incendie. On sauva tout, malgré la dissolution des soldats de la marine et la désertion des équipages, qui abandonnèrent entièrement les navires. On peut bien le dire: La Providence voulut et veut l'Italie. Et ainsi sera.
Scrugli quitta le ministère avant l'arrivée du roi à Naples. Il fut élu député au Parlement italien, et il siégea aussi à Turin comme membre du Conseil d'amirauté.

HISTOIRE GENERALE (partie qui comprend les Hommes d'Etat et les Hommes de Guerre), publiée à Genève. -1862.
 

Dall'Archivio di famiglia della Sig.ra Maria Scrugli Lugarà che si ringrazia per la gentile concessione del documento.